Pourquoi l’alcool donne l’illusion de mieux dormir
Le lien entre sommeil alcool est tellement sous-estimé qu’on finit par croire que boire ‘aide’ à dormir, alors que c’est l’inverse. A l’époque ou je buvais, les matins étaient vraiment horribles. J’ouvrais les yeux avec l’impression d’avoir couru un marathon la veille, mais accompagné de ce marteau-piqueur qui martelait mon cerveau sans arrêt. Mon souffle était court, mon cœur cognait sans raison. Monter quelques marches devenait un effort. J’avais le sentiment de porter un poids permanent, comme un sac invisible accroché à mes épaules. Et toujours cette lassitude profonde, cette énergie fuyante, comme si ma vitalité avait déserté — à mille lieues de la transformation du corps que j’expérimente aujourd’hui.
Le corps en vrac
Quand on boit, le corps plie. Il se plie sous la fatigue, sous le poison, sous l’habitude. Les muscles traînent comme s’ils portaient des chaînes invisibles. Les os grincent, lourds, prématurément usés. Les gestes coûtent cher, chaque mouvement est une dette. On croit que c’est normal, que c’est l’âge, que c’est la vie qui use. Moi, j’ai longtemps cru que je vieillissais trop vite. Que ma carcasse s’était déjà résignée.
Puis il y avait le ventre. Ballonné, gonflé, douloureux. Comme si chaque organe criait son épuisement. Durant la nuit, les remontées acide étaient très douloureuses. Ma peau, elle, trahissait tout : terne, sèche, parsemée de rougeurs, bouffie. J’avais beau mettre ça sur le compte du stress ou du temps qui passe, au fond je savais. C’était le poison.
À l’aube de mes 40 ans, j’ai compris à quel point l’alcool était un piège qui brouillait tout : mes nuits, mes hormones, mon énergie. Alors, j’ai décidé d’arrêter. Arrêter pour demander une seconde chance à mon corps. C’était presque une négociation intime : “Donne-moi encore un peu de toi, je promets de ne plus te maltraiter.” Je ne savais pas si c’était trop tard. Alors j’ai attendu un an avant de faire la batterie de tests médicaux, le temps de lui laisser cette opportunité de se régénérer, de se remettre en place. Au fond, j’espérais secrètement qu’il amorce déjà cette transformation du corps que je voyais pointer, sans oser encore y croire. La vérité, c’est que j’avais peur de découvrir que je l’avais trop abîmé à l’intérieur.
Durant cette année, je lui ai donné tout ce que je pouvais : une bonne alimentation, un retour au sport, de l’eau, du repos et encore du mouvement. Parfois je l’ai bousculé trop tôt, impatiente de le voir redevenir fort, pressée de récupérer ce que je croyais perdu. Mais il a tenu. Il a répondu.
Jamais trop tard pour oser
Et le message que j’aimerais transmettre à ceux qui me lisent est simple : même si vous avez dépassé cet âge, même si vous n’êtes pas en grande forme, laissez-vous une chance. Laissez votre corps choisir. Il préférera sans aucun doute une vie sans alcool à une vie avec. Ce choix, c’est le vôtre, mais lui, le corps, il saura toujours de quel côté il veut aller.
La rupture du cycle sommeil alcool a été l’un des plus grands tournants de ma reconstruction physique. Le premier signe que j’ai reçu, ce fut la respiration. Je me suis surprise à marcher plus vite sans être essoufflée. Une course légère pour attraper un bus, et je n’ai pas fini pliée en deux. Mon souffle tenait. Et ce détail, anodin pour beaucoup, était pour moi une victoire immense.
Ensuite, le sommeil. Non plus ce sommeil haché, agité, lourd de cauchemars. Mais un repos profond, qui répare vraiment. Je me suis réveillée un matin sans cette fatigue poisseuse. Je me suis levée sans me plaindre. Et j’ai compris que mon corps reprenait son rôle : reconstruire, réparer, redonner.
Puis sont venus les muscles. Je les croyais perdus, rouillés, incapables de suivre. Et pourtant, ils ont répondu. Une marche plus longue. Une séance de sport improvisée. Une série de pompes sans que mes bras lâchent au bout de trois. Petit à petit, je me suis sentie réhabiter ma propre enveloppe. Ce n’était plus seulement un regain de force : c’était le début d’une véritable transformation du corps. Mon corps n’était plus une prison, il redevenait miens.
Il y a eu aussi les signaux plus subtils. L’appétit régulé. L’envie de manger mieux, de boire de l’eau, de prendre soin de moi. Le visage moins gonflé, les traits plus nets. Les yeux moins rouges, plus clairs. La peau qui respirait à nouveau. Toutes ces petites choses m’ont rappelé que j’étais vivante, que je n’étais pas condamnée à traîner une carcasse éteinte.
J’ai découvert que je n’étais pas “cassé”. J’étais fatiguée, abîmé, malmené, mais pas fini. Le corps, privé de poison, sait se relever. Il n’attend que ça. Il pardonne même, d’une certaine manière. Comme s’il me disait : “Tu m’as maltraité, tu m’as chargé de trop, mais je ne t’ai pas abandonné. Donne-moi une chance, et je saurai encore te porter.”
Quand le corps recommence à vivre
Aujourd’hui, chaque effort que je fais est une célébration. Une marche en montée. Une séance de boxe. Une course sous la pluie. Rien d’extraordinaire, mais chaque fois, je me rappelle qu’avant, tout me coûtait. Maintenant, c’est différent. Mon corps répond. Il est redevenu un allié, le témoin vivant de ma transformation du corps.
Ce redressement, ce n’est pas seulement physique. C’est une réconciliation intérieure. Pendant des années, j’ai vécu comme si mon corps et moi étions deux ennemis forcés de cohabiter. Je l’empoisonnais, il protestait. Je l’ignorais, il se vengeait par la douleur, la fatigue et désormais, nous marchons ensemble. J’écoute ses signaux, je respecte ses limites, je découvre ses forces.
Un corps qui se relève, c’est plus qu’une mécanique biologique. C’est une dignité retrouvée. C’est sentir que l’on peut encore avancer, que la vie circule, que rien n’est perdu. Chaque matin, en posant les pieds au sol sans vaciller, je mesure la chance que j’ai de pouvoir encore marcher, courir, respirer.
